Donald, fils de Trump

Donald, fils de Trump Donald a treize ans et il est mis dehors. Assez de ses provocations, de ses petites rébellions adolescentes, l'école a fait comprendre à son père, qui siège au conseil d'administration, qu'un peu plus de discipline et surtout d'éloignement ferait du bien à t...

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Published inEchos (Paris, France)
Main Author VERONIQUE LE BILLON
Format Newspaper Article
LanguageFrench
Published Paris Les Echos 24.08.2020
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Summary:Donald, fils de Trump Donald a treize ans et il est mis dehors. Assez de ses provocations, de ses petites rébellions adolescentes, l'école a fait comprendre à son père, qui siège au conseil d'administration, qu'un peu plus de discipline et surtout d'éloignement ferait du bien à tout le monde. A 100 kilomètres au nord de New York, quelques kilomètres après la prestigieuse école militaire West Point, s'en cache une autre, le long de l'Hudson River : la New York Military Academy (Nyma).V A l'école privée du Queens, il fallait déjà mettre une cravate et une veste de costume. Désormais, il faudra apprendre à faire son lit, dire « oui, chef », et ne pas tester trop loin les limites de l'autorité. « Personne n'envoie ses fils à Nyma pour une meilleure éducation, et Donald a bien compris que c'était une punition », écrit Mary Trump, la nièce du président, dans « Too Much and Never Enough » (ed. Simon & Schuster), le paru cet été sur son oncle et au sous-titre vengeur : « Comment ma famille a créé l'homme le plus dangereux au monde ». « Mon père m'a envoyé dans une école militaire, jugeant qu'un peu d'entraînement militaire me ferait du bien. Je n'étais pas ravi, mais, au final, il avait raison », assure rétrospectivement Donald Trump dans « The Art of the Deal », son du parfait entrepreneur américain, publiée à la fin des années 1980. « J'ai appris à canaliser mon agressivité et à la transformer en réussite. » A l'école primaire, il avait déjà mis un oeil au beurre noir au professeur de musique, qu'il jugeait incompétent - en tout cas, il s'en vante : « Très tôt, j'ai fait connaître mes opinions par la force. » Un passé de « bad boy » ne nuit pas aux portraits, pour qui met de la valeur dans le pouvoir et la domination. Dans son voisinage d'alors, « les gens m'aimaient beaucoup ou pas du tout ». « Comme aujourd'hui », dit-il déjà. Les pourfendeurs de Donald Trump imaginent volontiers un enfant boudeur et colérique, trop gâté et encensé. Aussi critique qu'il l'est, le livre de Mary Trump donne pourtant d'autres clés sur son oncle Donald - et en creux sur son propre père, Freddy, mort prématurément à quarante-deux ans : celui d'un enfant largement privé d'amour parental. Neuf mois après la naissance du petit dernier, Robert, quand Donald n'a encore que deux ans et demi, sa mère frôle la mort après une hémorragie. Sa vie est sauve, mais son squelette est fragilisé par de l'ostéoporose et sa santé pour longtemps altérée. « Ses besoins n'étaient pas satisfaits » « Sans prévenir, ses besoins n'étaient pas satisfaits, ses craintes et ses désirs n'étaient pas assouvis. […] Le fait que son père n'ait pas su non seulement répondre à ses besoins, mais aussi le faire se sentir en sécurité ou aimé, valorisé, Donald a souffert de privations qui allaient le marquer à vie », écrit Mary Trump, qui possède aussi un doctorat de psychologie de l'institut d'études psychologiques avancées Derner. Se développe chez Donald Trump, selon elle, des traits de personnalité comme le narcissisme ou le goût pour l'intimidation, qui seront d'autant plus ancrés dans sa personnalité qu'ils seront, au fil du temps, valorisés et encouragés par son père… Du « trop » et du « pas assez ». Pour , il faut en effet connaître Fred. Ce Trump-là, né en 1905, est le premier de sa lignée à être né aux Etats-Unis : il est le fils de Friedrich, arrivé d'Allemagne à la conquête de l'Ouest et devenu, très jeune, l'homme de la maison, quand son père meurt de la grippe espagnole en 1918. Pour gagner un peu d'argent, Fred, appuyé par sa mère, construit un garage pour un voisin, avant de bâtir sa première maison dans le Queens - vendue 7.500 dollars, avec un tiers de profit. Le créneau est trouvé : il construira des grands ensembles de logements, si possible financés par le secteur public - la Federal Housing Administration. Fred Trump épouse Mary en 1936, arrivée d'Ecosse quelques années plus tôt pour trouver un mari. Elle lui donnera cinq enfants en douze ans : Maryanne, Freddy, Elizabeth, Donald - né en 1946 - et enfin Robert. Mieux vaut mentir Davantage que les voyages ou les sorties, dont le couple Trump ne raffole pas, ce sont les maisons qui affichent la réussite sociale, et toujours dans le Queens. En 1950, la maison construite dans le quartier résidentiel de Jamaica Estates témoigne du chemin parcouru : près de 400 mètres carrés et plus de vingt pièces derrière une façade de brique rouge et de jolies colonnades blanches. Donald vient parfois sur les chantiers de construction de son père ramasser les bouteilles, qu'il revend à la consigne avec son jeune frère, Robert, qui vient de mourir à New York à l'âge de soixante et onze ans (son « meilleur ami », selon le président américain). Mais les deux derniers de la fratrie n'ont pas le prénom qu'il faut pour espérer reprendre l'entreprise familiale : c'est Freddy, le fils aîné, qui doit poursuivre l'oeuvre paternelle. Sauf que Freddy ne sera jamais vraiment intéressé par la construction immobilière et n'a pas le goût des affaires. Mais quand l'aîné navigue entre évitement et soumission pour obéir à son père, le cadet trouve une autre voie. Sept ans plus jeune, Donald voit Freddy se faire régulièrement humilier par son père et en déduit que la gentillesse est une faiblesse. Mieux vaut mentir que de déranger ou fâcher papa. Sur les bords de l'Hudson River, l'école militaire (qui a fini par être vendue aux enchères en 2015 à un milliardaire chinois) n'est finalement pas si terrible, et Donald a réussi à se frayer un chemin parmi les contraintes. Il a laissé pousser ses cheveux jusqu'à la limite autorisée, se promène le dimanche avec de jeunes New-Yorkaises - il sera crédité du titre de « ladies'man » dans l'un des albums de fin d'année. Il est grand, blond, athlétique et sûr de lui, la moue empreinte d'un sentiment de supériorité. Le week-end, son père lui rend visite, tissant un lien qu'il sent plus prometteur qu'avec son aîné, Freddy. Il lui apprend comment socialiser avec les gens qui comptent, négocier, manier l'hyperbole - « magnifique », « parfait ». Fred Trump est un admirateur du pasteur Norman Vincent Peale, un adepte de la méthode Coué et de la réussite entrepreneuriale, auteur de « La Puissance de la pensée positive ». Avoir confiance en soi, mépriser tout complexe d'infériorité, voilà des leçons vite apprises. L'entrée à Wharton Au sortir du lycée, Donald caresse un temps l'idée de faire une école de cinéma en Californie, mais il se rabat sur Fordham, une université de Jésuites située dans le Bronx, au nord de Manhattan, « pour être près de la maison ». Il faut toutefois un diplôme prestigieux et les vrais entrepreneurs, a-t-il remarqué, sortent souvent de Wharton, l'école de commerce de l'université de Pennsylvanie - Harvard produit surtout des PDG d'entreprises cotées, observe-t-il. , son oncle aurait en réalité fraudé pour y entrer, en mandatant un ami pour passer l'examen à sa place. « J'ai postulé à l'école de finance de Wharton et j'y suis entré », résume Donald Trump d'une phrase pudique dans « The Art of the Deal », lui qui disait quelques pages plus tôt ne guère aimer le travail scolaire. D'ailleurs, ce qu'il apprend de Wharton, c'est de ne pas trop s'arrêter aux diplômes, raconte-t-il. De toute façon, il connaît déjà son premier employeur : Trump Management. « Plus glamour, plus excitant » Dans les guerres de succession qui secouent parfois les familles, Donald a eu finalement la voie libre, et il n'a pas voulu faire d'OPA sur l'entreprise paternelle. Pour se former, il fait la tournée des résidents pour collecter les loyers, apprend qu'il est plus prudent de se placer sur le côté pour éviter un tir de revolver. Mais rapidement, éduquer les locataires récalcitrants à ne pas jeter leurs poubelles par la fenêtre n'enthousiasme pas le jeune Trump, « et les marges étaient si basses », constate-t-il avec dépit. Construire des immeubles et gérer les loyers, c'est déjà une belle réussite dans l'Amérique de l'après-guerre. Mais le Graal de Donald, c'est de passer l'East River et de faire quelque chose de « plus grand, plus glamour, plus excitant » à Manhattan. Son objectif : la Cinquième Avenue et les clients italiens « avec une belle femme et une Ferrari rouge ». A la réflexion, le « showmanship », ce goût pour la mise en scène et le spectacle, lui est venu de sa mère, qui suit à la télévision l'actualité des têtes couronnées des Cours européennes. « Ma mère aime la splendeur et la magnificence, quand mon père, qui a vraiment les pieds sur terre, n'est excité que par la compétence et l'efficacité. » A sa sortie de Wharton en 1968, les prix sont trop élevés à Manhattan pour se lancer dans le business, mais il en arpente les rues pour repérer les meilleures adresses. A vingt-cinq ans, il prend un petit appartement au coin de la Troisième Avenue et de la 75e rue, dans l'Upper East bourgeois. « Arriver dans cet appartement a probablement été pour moi plus excitant que de déménager, quinze ans plus tard, dans les trois étages de la Trump Tower, au coin de la Cinquième Avenue et de la 57e avec vue plongeante sur Central Park », écrit-il dans « The Art of the Deal ». Il est dans la place.. V. L. B.
ISSN:0153-4831
2270-5279