Conduite à tenir devant un cancer indifférencié mettant en jeu le pronostic vital

Devant une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), la découverte d’un cancer n’est pas une situation exceptionnelle. Une biopsie des lésions permet le plus souvent de confirmer le diagnostic et le traitement du cancer permet de contrôler la CIVD. Parfois la situation est beaucoup plus diffici...

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Published inLa revue de medecine interne Vol. 38; p. A133
Main Authors Auvens, C., Bouldoires, B., Jeudy, G., Bonniaud, B., Dalac, S., Berthier, S., Leguy-Seguin, V., Pasteur, J., Audia, S., Nicolas, B., Guilhem, A., Bonnotte, B.
Format Journal Article
LanguageFrench
Published Elsevier SAS 01.06.2017
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Summary:Devant une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), la découverte d’un cancer n’est pas une situation exceptionnelle. Une biopsie des lésions permet le plus souvent de confirmer le diagnostic et le traitement du cancer permet de contrôler la CIVD. Parfois la situation est beaucoup plus difficile. Nous rapportons l’observation d’une femme présentant une CIVD sévère faisant découvrir des lésions suspectes diffuses pour lesquelles les biopsies ont été très difficiles, avec des résultats peu contributifs, mais chez laquelle un examen sanguin a permis une conduite à tenir thérapeutique spectaculairement efficace. Madame S, 54 ans est hospitalisée pour altération majeure de l’état général. Comme antécédent, elle ne signale qu’une hypothyroïdie substituée. L’examen clinique retrouve une patiente fébrile à l’état général altéré, sans porte d’entrée infectieuse. Les examens biologiques montrent un syndrome inflammatoire important (CRP à 150mg/L) et une CIVD sévère nécessitant un support transfusionnel quotidien. On retrouve une cytolyse hépatique et cholestase anictérique à 10 N, une élévation des LDH et de la ferritine sans autre argument pour un syndrome d’activation macrophagique. Le bilan infectieux est négatif. Le myélogramme montre une moelle riche envahie par 90 % de cellules de grande taille avec des marqueurs aberrants CD117+, CD36+, CD71+, CD61+, CD19+, CD56+, et CD45+ pouvant correspondre soit à des mégacaryoblastes en faveur d’une leucémie aiguë myéloïde (LAM) de type 7, soit à un cancer solide indifférencié avec présentation anarchique. Le scanner thoraco-abdomino-pelvien et l’IRM montrent de multiples lésions suspectes au niveau du rein gauche, du foie et des poumons ainsi qu’une embolie pulmonaire nécessitant une héparinothérapie. Un PET-scan retrouve une fixation osseuse diffuse, associée aux lésions décrites sur le scanner. Les marqueurs tumoraux sont négatifs. Les chirurgiens et les radiologues refusent de réaliser des biopsies de poumon et de rein du fait du risque hémorragique trop important. Des biopsies hépatiques sont tout de même réalisées et l’examen immuno-histochimique ne permet pas de trancher entre LAM7 et tumeur solide. La ponction biopsie osseuse n’apporte pas plus d’éléments. L’état de la patiente se dégrade et la CIVD devient très préoccupante, mais il est difficile de débuter un traitement sans diagnostic précis. Alors que le pronostic s’assombrit, la patiente nous rapporte un antécédent qu’elle avait omis de nous préciser, négligeant son intérêt. En 1995, c’est-à-dire 22 ans plus tôt, elle avait été opérée d’un mélanome lombaire Breslow 1.4mm, Clark III avec exérèse complète. Ces données n’ont pas permis aux anatomo-pathologistes de préciser leur diagnostic, les cellules tumorales n’exprimant pas de marqueurs mélanocytaires. Cependant, une recherche de mutation de BRAF V600E dans le sang est demandée et revient positive. Une thérapie ciblée anti-BRAF est immédiatement débutée et permet la correction de la CIVD en quelques jours et une diminution des lésions de 22 % sur le scanner de contrôle à 2 mois. Le diagnostic le plus probable reste un mélanome stade IV dans le contexte mais aucune preuve ne permet de le retenir formellement. Les mutations activatrices de BRAF sont fréquentes dans de nombreuses tumeurs malignes tels les adénocarcinomes (thyroïde, côlon, poumon), mélanomes, sarcomes et hémopathies [1]. Elles sont associées à un mauvais pronostic. Le statut mutationnel est habituellement recherché à partir de fragments tumoraux fixés, mais certains sites métastatiques restent inaccessibles, avec échantillon tissulaire nécrotique ou non utilisable. Dans ce contexte, la recherche du statut mutationnel BRAF dans le sang en phase métastatique est une approche non invasive et facile, avec recherche sur de l’ADN libre circulant ou à partir des cellules tumorales circulantes. Ceci avec une bonne concordance entre tissu et sang. Les thérapies ciblées anti-BRAF permettent alors d’augmenter la survie de ces patients. Dans certaines situations comme celle de cette patiente, pour laquelle un diagnostic histopathologique de certitude n’est pas possible, la mise en évidence de la mutation BRAF dans le sang peut permettre l’instauration d’une thérapie ciblée très efficace.
ISSN:0248-8663
1768-3122
DOI:10.1016/j.revmed.2017.03.168