Relation entre xérophtalmie subjective, objective et syndrome de Sjögren selon le sexe

La sécheresse oculobuccale est le principal motif de suspicion de syndrome de Sjögren (SS). Dans les critères diagnostics ACR/EULAR 2016 du SS, la xérophtalmie doit être objectivée par le test de Schirmer (TS) ou l’Ocular Staining Score [1]. Malgré une forte prédominance féminine (sex-ratio=10) [2],...

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Published inLa revue de medecine interne Vol. 39; pp. A133 - A134
Main Authors Lacombe, V., Lozac’h, P., Assad, S., Beucher, A.B., Ghali, A., Gohier, P., Lavigne, C., Urbanski, G.
Format Journal Article
LanguageFrench
Published Elsevier Masson SAS 01.12.2018
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Summary:La sécheresse oculobuccale est le principal motif de suspicion de syndrome de Sjögren (SS). Dans les critères diagnostics ACR/EULAR 2016 du SS, la xérophtalmie doit être objectivée par le test de Schirmer (TS) ou l’Ocular Staining Score [1]. Malgré une forte prédominance féminine (sex-ratio=10) [2], le SS peut affecter les hommes. Dans notre expérience, les hommes expriment moins la gêne liée à la sécheresse, ce qui pourrait entraîner un sous-diagnostic de sécheresse objective et donc de SS dans la population masculine. Dans ce travail, nous avons comparé les évaluations des xérophtalmies subjective et objective entre hommes et femmes consultant pour une suspicion de SS. Notre étude portait sur une cohorte de patients ayant consulté un même médecin dans notre service de médecine interne entre janvier 2015 et juillet 2018 pour une suspicion de SS. Un syndrome sec oculaire subjectif était retenu devant la présence depuis plus de 3 mois d’une sensation quotidienne de yeux secs ou de sable/gravier dans les yeux, ou le recours à des substituts lacrymaux au moins 3 fois par jour, conformément aux critères internationaux. Un TS était systématiquement effectué. Une valeur≤5 mm/5 min sur au moins un œil définissait la xérophtalmie objective. Les variables qualitatives étaient exprimées en valeur absolue et pourcentage, les variables continues en médiane et quartiles. Les performances diagnostiques étaient évaluées avec les sensibilités (Se), spécificités (Sp), valeurs prédictives positives (VPP) et rapports de vraisemblance positifs (RV+). Parmi une cohorte de 194 patients d’âge médian de 57 [49–67] ans, 143/156 femmes (91,7 %) et 28/38 hommes (73,7 %) rapportaient une xérophtalmie subjective. Le TS était positif chez 118/156 femmes (75,6 %) et 33/38 hommes (86,8 %) (p=0,14). Parmi les patients se plaignant de xérophtalmie, le TS était plus faible chez les hommes, 2,3 mm [03,9] contre 4,0 mm [1–8,5] chez les femmes (p=0,007). Il ne différait pas chez les patients sans plainte (3,5 mm [2,5–19,5] chez les femmes et 4,8 mm [2,4–16,6] chez les hommes, p=0,99). Parmi les patients avec une discordance entre la plainte et le TS, 6/38 hommes (15,8 %) contre 9/156 femmes (5,8 %) présentaient un TS anormal en l’absence de plainte (p=0,038), et 1/38 hommes (2,6 %) contre 34/156 femmes (21,8 %) décrivaient une sécheresse sans anomalie au TS (p=0,004). Les performances diagnostiques pour prédire la positivité du TS en cas de xérophtalmie subjective montraient une Se comparable entre les sexes (92,4 % chez les femmes et 81,8 % chez les hommes), mais des Sp, VPP et RV+ plus importantes chez les hommes : respectivement 80,0 % (IC95 % : 44,9–100), 96 % (IC95 % : 90–100) et 4,1 chez les hommes, contre 10,5 % (IC95 % : 0,8–20,3), 76 % (IC95 % : 69–83) et 1 chez les femmes. Chez les hommes, la Sp de la xérophtalmie par rapport au diagnostic de SS est comparable qu’elle soit subjective (36,4 %) ou objective (40,9 %). Chez les femmes, un TS positif améliore la Sp de la xérophtalmie, de 9,1 % (IC95 % : 3,7–17,8) si uniquement subjective à 41,6 % (IC95 % : 30,4–53,4). Dans notre étude, les hommes se plaignant de xérophtalmie présentent un déficit lacrymal quantitatif plus important. Cependant, nous ne pouvons exclure que les femmes aient plus souvent une altération qualitative du film lacrymal car non recherchée systématiquement. Les plus faibles Sp et RV+ de la xérophtalmie subjective chez les femmes soulignent l’importance d’objectiver la sécheresse avant les investigations paracliniques devant une suspicion de SS non compliqué chez les femmes, car l’interrogatoire ne prédit pas la xérophtalmie objective. Chez les femmes, il est indispensable d’objectiver la xérophtalmie par le TS en raison de la médiocre Sp de la plainte subjective pour le diagnostic de SS. Chez les hommes, l’expression d’une sécheresse oculaire est presque toujours le reflet d’un déficit quantitatif du film lacrymal, mais l’absence de plainte prédit mal l’absence de déficit, les hommes ayant tendance à négliger la sécheresse oculaire. La perception de sécheresse oculaire varie selon le sexe. La réalité objective d’une sécheresse quantitative est mieux corrélée à la plainte masculine, mais les hommes ont tendance à négliger la xérophtalmie, justifiant la réalisation du TS en l’absence de plainte. Ceci éviterait un sous-diagnostic de pathologies responsables de sécheresse oculaire, comme le SS, dans la population masculine. Chez les femmes, l’objectivation de la sécheresse est indispensable pour majorer la spécificité dans le diagnostic de SS.
ISSN:0248-8663
1768-3122
DOI:10.1016/j.revmed.2018.10.065